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Une vie sur l'eau

"Ce n'est pas le vent qui décide de votre destination, c'est l'orientation que vous donnez à votre voile. Le vent est pareil pour tous" (Jim Rohn)

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48° 50’ 58’’ N 2° 22’ 02’’ E, Paris. Assise à bord de Phoque, en compagnie de Charlette, ses deux chats et d’un verre de Birlou, j’observe la vie qui passe sur les quais en plein cœur de Paris. Le silence règne, car ici, en contrebas de la ville, aucun bruit ne vient perturber la quiétude des habitants du Bassin de l’Arsenal. Phoque s’est toujours appelé ainsi. C’est un magnifique bateau habité par une non moins extraordinaire femme dont j’ai fait la connaissance ce jour-même par un concours de circonstances qui prouve que la vie est bien faite ! Phoque était un bateau professionnel qui fut utilisé jadis pour amener les VIP sur la terre ferme depuis les paquebots amarrés au large des côtes hollandaises et belges. Il fut acheté par Charlette et son mari en 1984 et ils le remontèrent à Paris par les canaux à travers la Hollande, la Belgique et la France jusqu’au port où il se trouve actuellement. Quelle magnifique aventure, j’en ai la chair de poule lorsque Charlette me conte cette épopée ! Mais il faut dire que nos deux baroudeurs n’en étaient pas à leur première traversée ! Après 10 années passées en Afrique, c’est sur un voilier qu’ils continuent leur périple en Méditerranée, une vie sur l’eau, une vie de voyage. Chaque hiver est passé dans un port et c’est lors d’un hivernage en Grèce qu’ils apprennent que le port de l’Arsenal à Paris s’ouvre aux plaisanciers à la suite de la mort du trafic fluvial.

 

Quarante ans plus tard, Phoque n’a pas pris une ride. Chaque matin à la même heure, une multitude de pigeons font la queue devant le bateau de Charlette qui les nourrit de vieilles baguettes récupérées chez le boulanger. « Ils connaissent le bateau », me dit-elle.

De nombreux objets décorent son intérieur. Des peintures de femmes faites par son mari, mais également des souvenirs ramenés de nombreux voyages ou achetés à la brocante qui faisait autrefois halte sur les quais de l’Arsenal, et dont Charlette était fan. Elle avait d’ailleurs reçu une carte de fidélité valable jusqu’en l’an 3'000 ! Des livres, elle en a 3'200, tous répertoriés dans une base de données dans son petit bureau à la proue du bateau ! Lorsque je demande à Charlette si elle a une anecdote à me raconter, elle me dit que chaque jour sur un bateau est original. En hiver, le port est animé par les bateaux étrangers qui viennent passer les mois froids à l’abri des tempêtes. Mais depuis deux ans l’Arsenal est bien calme et seuls les habitants, peut nombreux côté Bastille, peuplent le bassin. Côté Bourdon, sur la rive opposée, ils sont un peu plus à résider à l’année. Charlette a passé les vingt premières années de sa vie à Marseille puis elle est montée à Paris. Vivre en mer, sur un bateau, n’était pas une passion mais un choix de vie qu’elle n’a jamais regretté.

 

Mon esprit vagabonde dans les mers lointaines lorsque je flâne seule dans le bateau de Charlette. J’imagine Phoque à sa grande époque, lorsque les traversées en bateau étaient alors réservées aux grands de ce monde. J’imagine sa remontée à Paris par les canaux, une vie plus calme, mais tout aussi aventureuse. Et aujourd’hui, bercé par les eaux du canal St Martin à quelques mètres de Notre Dame de Paris et de la Colonne de la Bastille. Quelle belle vie !

 

A 90 ans, la doyenne du port est en pleine forme et bien coquette, il faut l’avouer ! Une fois par an, Charlette sort Phoque jusqu’au Bassin de la Villette, une obligation pour tous les bateaux, afin de s’assurer de leur bon fonctionnement. Quatre doubles écluses séparent les 2 bassins. Secrètement, sans oser lui demander, je m’imagine aux côtés de Charlette lors de sa prochaine sortie jusqu’à la Villette….

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