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La plateforme

"Nous réalisons que ce que nous accomplissons n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. Mais si cette goutte n'existait pas dans l'océan, elle manquerait" (Mère Teresa, Un chemin tout simple)

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Port de Pully, jeudi 5 août, 09h30 du matin. Lorsque l’on se promène à Pully le long du lac, on aperçoit au loin, à 570m du rivage pour être précis, une plateforme surmontée d’un cabanon. Bienvenue sur LéXPLORE ! Un  lieu unique pour étudier le Léman depuis….le Léman !

 

En état de projet depuis 2013, la plateforme voit le jour en 2019. Fruit d’un partenariat scientifique entre l’Eawag, l’EPFL, l’UNIL, l’UNIGE et Le Carrtel, le programme est piloté par le centre de limnologie de l’EPFL dont Natacha, que je suis venue rejoindre ce matin, en assume la gestion. Elle est accompagnée par Guillaume, technicien de la plateforme et par Jonathan, un collaborateur technique qui étudie les micro plastiques.

 

Une trentaine de projets se partagent LéXPLORE. Physiciens, chimistes et biologistes se retrouvent sur cette plateforme, véritable petit laboratoire flottant de 100m2, le  plus moderne du monde. L’objectif est de promouvoir les recherches multidisciplinaires et de haute technologie sur le lac et l’atmosphère, d’acquérir des données à hautes fréquences, de tester de nouvelles techniques et d’encourager l’éducation, entre autres. Si les lacs sont d’importantes ressources naturelles, ils sont aussi sensibles au changement climatique.

Construite par Shiptec, LéXPLORE sera durant huit ans ancrée sur le Léman afin de fournir des mesures en continu quelle que soit la météo. Cela permettra de surveiller la santé du lac, d’évaluer l’impact des changements globaux sur celui-ci et de percer ses secrets impossibles à étudier avant la plateforme.

 

Nous approchons de LéXPLORE à bord d’un bateau piloté par Guillaume qui est venu nous chercher au port. La plateforme est entourée de bouées qui délimitent le périmètre, interdit à la navigation. Aucun filet de pêche ne peut être posé dans cette zone de mesure protégée d’environ 15’000m2 au risque qu’ils dérivent et qu’ils échouent sur les instruments immergés. La grisaille cache la côte française et la plateforme prend des airs de base polaire en plein océan lorsque le vent se lève. Quand nous accostons, des sons étranges s’échappent d’un haut-parleur sur le toit. « C’est pour faire fuir les oiseaux qui déjectent et mangent sur les panneaux solaires qui recouvrent le toit ! » me dit Guillaume. Le leurre n’est que peu efficace et les panneaux doivent régulièrement être nettoyés.

 

Ce matin, l’équipe s’intéresse aux particules qui tombent dans l'eau et forme le sédiment du lac. Depuis le bateau amarré à la plateforme, ils remontent, grâce à une poulie actionnée par un moteur, de longs tubes en PVC attachés quatre par quatre et plongés à différentes profondeurs. Les quatre premiers reposent par 10m de fonds, les suivants par 30, 50 et 100m depuis la surface. Au bout de ces tubes, des récipients qui renferment les particules accumulées au fil des jours.

Le vent qui s’est intensifié rend la manœuvre délicate. Natacha et Guillaume jouent les équilibristes à la proue du bateau et détachent chaque tube de son support. Jonathan les récupère et les monte sur la plateforme. Une fois les 16 tubes hors de l’eau, ils sont séparés de leur bocal renfermant les sédiments. Le surplus d’eau est vidé et les sédiments sont transvasés dans de plus petits bocaux qui seront rapportés au laboratoire pour un projet, où ils seront congelés puis lyophilisés avant d’être analysés. L’étude s’orientera sur les mesures du carbone organique et inorganique du sédiment ainsi que sur le taux de phosphore et d’azote présents dans le sédiment. Pour le second projet, ce sont les microplastiques qui seront analysés après digestion de la matière organique.

 

Les tubes sont ensuite lavés au kärcher, assemblés à nouveau quatre par quatre puis descendus à leur profondeur respective jusqu’au prochain relevage, dans deux semaines.

 

Pendant ce temps, Jonathan, de l’autre côté de la plateforme, change les filtres qui ont accumulé l’eau à 2 et 30m (2m3 d’eau par jour) de profondeur afin d’analyser la présence de microplastiques.

 

Je m’éloigne du petit groupe et m’accoude au bord de la plateforme, amarrée au fond du lac à ses quatre extrémités par des ancres de trois tonnes chacune. Le lac moutonne à présent, la plateforme tangue légèrement. Une petite pluie fait son apparition.  Alors que je me prends à imaginer la vie des chercheurs à bord, Guillaume m’annonce qu’il faut rentrer au port car le vent rend le travail qu’ils ont à faire ce matin sur LéXPLORE impossible.

 

Les cordes du bateau se sont méchamment serrées à la balustrade avec le roulis des vagues. Nous quittons tant bien que mal la plateforme qui se retrouve à nouveau abandonnée aux  oiseaux en attendant le venue de la prochaine équipe. Sacré Léman, comme ton humeur change rapidement ! Mais quel beau projet que de t’étudier !

 

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à visiter le site de LéXPLORE!

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